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La Chaire Régulation du numérique est une des cinq chaires de professeur junior (CPJ) de l'université. La CPJ a été mise en place par la loi de programmation pour la recherche, elle constitue une nouvelle voie de recrutement permettant d’accéder à un emploi de titulaire dans le corps des professeurs d'universités et assimilés ou de directeurs de recherche. Le recrutement s’effectue sur un projet de recherche et d’enseignement porté par un titulaire de doctorat ou de diplôme équivalent.
Entretien avec Benjamin LOVELUCK, professeur junior à l'Université Paris-Panthéon-Assas, qui présente la Chaire de professeur junior Régulation du numérique dont il est titulaire.
J’ai rejoint l’Université Paris-Panthéon-Assas en janvier 2024, en tant que titulaire de la Chaire de professeur junior « Régulation du numérique » au sein du CERSA (Centre d’études et de recherches en sciences administratives et politiques). Auparavant, j’ai été maître de conférences pendant sept ans au sein du département de Sciences Économiques et Sociales de Télécom Paris, école d’ingénieurs spécialisée dans les enjeux numériques. J’ai également enseigné dans d’autres établissements d’enseignement supérieur notamment à Sciences Po Paris, Sciences Po Lille et Sciences Po Bordeaux, ainsi qu’à l’Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.
Mes travaux relèvent de la sociologie politique du numérique. J’ai travaillé sur les pratiques politiques en ligne et notamment les formes d’action collective, ainsi que sur les enjeux de gouvernance d’internet et la question des libertés numériques. Mes recherches s’inscrivent également dans le champ des médias et de la communication, à travers l’analyse des transformations de l’espace public numérique, la formation de l’opinion, et l’étude des controverses.
Je me suis d’abord intéressé à l’histoire d’internet, à ses idéologies ainsi qu’à l’économie politique de l’information (Réseaux, libertés et contrôle. Une généalogie politique d’internet, Paris, Armand Colin, 2015). Ce travail montrait l’avènement, dans le contexte d’internet, d’un libéralisme fondé sur l’idée de libre circulation de l’information et qualifié de « libéralisme informationnel ». Mes recherches se sont ensuite structurées selon deux grands axes. Le premier concerne les formes d’intervention directes dans l’espace public, individuelles ou collectives, destinées à défendre une cause mais aussi dans certains cas à (se) faire justice à travers des formes de dénonciation en ligne et d’action collective médiées par les plateformes de médias sociaux. Il s’agissait notamment de s’intéresser à des formes ambivalentes de participation politique qui peuvent être qualifiées de « vigilantisme numérique ». Cette problématique m’a amenée à aborder des enjeux associés tels que la liberté d’expression en ligne et les politiques de modération de contenus, ou encore les dynamiques de viralité et la circulation des fausses informations.
Le second axe porte sur les formes de contrôle étatique de l’espace numérique à travers le cas de la Russie, étudiée dans le cadre d’un projet ANR (avec F. Daucé et F. Musiani dir., Genèse d’un autoritarisme numérique. Répression et résistance sur Internet en Russie, 2012-2022, Paris, Presses des Mines, 2023). La Russie est passée d’un environnement numérique relativement dérégulé et dynamique pendant les années 2000 à des contraintes de plus en plus fortes et un interventionnisme politique plus marqué dans la décennie suivante, et a constitué à ce titre un point d’observation particulièrement pertinent sur la nature et le devenir des libertés numériques. Les recherches ont porté sur les programmes de censure et de surveillance de l’espace public et sur les interactions entre le droit, le marché et les infrastructures (fournisseurs d’accès à internet, plateformes d’agrégation de contenus), à travers l’expérience de cet espace numérique en mutation par certains acteurs clés (professionnels du web, journalistes, militants).
Dans le prolongement de ces travaux, je coordonne depuis 2024 le projet ANR DIGISOV (https://www.digisov.org/), qui s’intéresse aux appels à la « souveraineté numérique » dans une perspective comparative (UE, Russie, Chine) et à la circulation des normes de gouvernance de l’espace numérique. Le projet vise à montrer comment les institutions nationales et régionales sont non seulement de plus en plus impliquées dans la régulation des services et infrastructures, mais cherchent aussi à promouvoir différents modèles de l’espace numérique, qui reflètent un processus dynamique de rivalité mais aussi d’imitation entre différents régimes politiques.
La Chaire Régulation du numérique a été portée par le Département de droit public et de science politique de l’Université Paris-Panthéon-Assas. Elle est consacrée à l’étude des bouleversements économiques, sociaux et politiques provoqués par les innovations numériques, aux réponses qu’y apporte le droit et aux analyses qu’en font les sciences politique et sociales. La Chaire a pour objectif de fédérer les recherches juridiques et de science politique sur le numérique à l’Université Paris-Panthéon-Assas, en particulier d’étudier l’action publique sur le numérique dans ses différents volets que sont l’encadrement des activités numériques, la régulation des marchés numériques ou encore l’utilisation des outils numériques par la puissance publique.
La Chaire s’intéresse à la régulation du numérique du point de vue de la science politique, notamment dans les dimensions qui relèvent de l’espace public et des libertés fondamentales (liberté d’expression, droit à la vie privée). Elle s’attache à conduire des enquêtes, animer la recherche sur ce thème et diffuser les résultats de ses travaux. Elle a ainsi vocation à contribuer au développement d’un réseau national et international autour de ces problématiques de recherche. Elle vise également à développer des enseignements sur les enjeux numériques, qui s’inscrivent dans les cursus de formation initiale destinés à des étudiants en science politique ainsi qu’en droit du numérique ou des médias.
Le projet de recherche plus spécifique de la Chaire et qui en constitue l’un des principaux axes directeurs s’intéresse aux limites de l’espace public numérique, aux contenus et pratiques qui peuvent faire l’objet de politiques de modération (ou non) de la part des plateformes dans le contexte réglementaire français et européen qui est en pleine évolution. L’enjeu consiste d’une part à déterminer l’applicabilité des responsabilités et contraintes spécifiées par le régulateur ; il vise d’autre part à saisir la réponse apportée par les plateformes aux contenus illicites ou préjudiciables ainsi que les contraintes juridiques et politiques qui s’exercent sur elles dans ce type de situations ; il ambitionne enfin de rendre compte de l’expérience et de la perspective des utilisateurs face à ces interventions.