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Un procès simulé, à partir d'un cas réel, a été à nouveau organisé cette année, sous les auspices de l'IEJ, avec le concours des étudiants d'IP Assas. La nouveauté est qu'il s'est déroulé en présence de l'un des avocats de la partie principalement concernée, venu tester ses arguments, entendre ceux découverts par les étudiants-« avocats » de la partie adverse et assister au délibéré des juges et du public.
Le cas concerne une plainte contre X récemment déposée par Charlotte Casiraghi, au sujet d'infractions commises par la presse « people » et des « paparazzi ». En l'état actuel du procès devant le juge d'instruction, le parti a été pris de considérer que ce dernier a renvoyé devant le tribunal correctionnel d'une part, la société Prisma Presse en tant qu'éditrice de la première de couverture litigieuse (Voici) exposant celle-ci avec son petit ami supposé, du chef du délit de photomontage (article 226-8 du Code Pénal) ; d'autre part, deux paparazzis, que l'on nommera X et Y, poursuivis pour violences morales ( article 226-13 Code Pénal).
C'est ainsi que le Tribunal correctionnel d'un soir s'est réuni le 12 mars 2012 (amphi IV bondé), avec pour Président Monsieur Jean-Michel Bruntz, avocat général à la Cour de cassation, entouré de deux assesseurs, Myria Saarinen, avocat associé chez Latham & Watkins, ainsi que Stéphane Colombet, avocat associé au cabinet Vivien.
La partie civile ouvre les débats, représentée par Maître Krystelle Biondi (avocat junior et responsable d'Alumni Assas) qui a plaidé sous le regard attentif du véritable avocat, présent anonymement dans l'amphi. Deux prétentions sont alors développées. Il est d'abord question du photomontage de la première de couverture effectué sans consentement des protagonistes et en l'absence de toute mention faisant état du truquage et ce, dans un but purement mercantile. Il s'agissait d'un montage représentant la plaignante et son ami supposé, Gad Elmaleh, comme s'ils se trouvaient côte à côte amoureusement, ce qui n'a jamais été le cas, aucune photo du couple prétendu n'existe.
Ensuite, sont alléguées des violences psychiques subies en raison des filatures, véritables « traques », effectuées par les paparazzis, la preuve étant établie par des numéros de plaques d'immatriculation et un témoignage.
L'avocat de la partie civile demande 200.000€ de dommages-intérêts « punitifs », en invoquant la récente jurisprudence de la Cour de cassation, ainsi que la doctrine, ce montant étant le seuil dissuasif pour la presse « people ».
Le professeur Pierre-Yves Gautier a endossé le rôle de Procureur de la République. Dans ses réquisitions, la tendresse n'est pas de mise ; les textes pénaux sont analysés, notamment le caractère non évident pour le lecteur moyen de l'existence du montage (une des conditions du délit) ; il requiert pour l'exemple, outre le quintuple de l'amende ordinaire (règle pour les personnes morales), la peine complémentaire d'interdiction de la publication du journal pendant une période d'un mois. Quant aux paparazzis, il requiert la condamnation à 65 jours-amende à 800 euros par jour ainsi que des travaux d'intérêt général au service d'une association humanitaire (nombreuses sur le Caillou Monégasque...)
Les paparazzis X et Y, représentés par Marion Berthonneau (étudiante en Master 2 PLAI), arguent de la relativité du témoignage de l'officier de police engagé pour la sécurité de la plaignante, mais également de l'absence de volonté quant à toute action violente ou encore tout résultat sur la santé morale de la princesse, rejetant catégoriquement la comparaison avec ce qu'a pu subir Lady Diana, les deux prévenus faisant tout simplement leurs travail. Avec placidité, demande est faite de rejeter toutes les accusations portées à l'encontre de ses clients, aucune preuve n'étant rapportée sur l'état psychique de la plaignante. La doctrine et la jurisprudence ont été abondamment citées.
Madame Berthonneau laisse alors la parole à Loïc Fouquet (étudiant du même Master), représentant la personne morale éditrice. Ce dernier soutient l'évidence du photomontage permettant de rejeter l'exigence de la mention obligatoire. Cependant, si les doutes subsistent quant à l'évidence de ce photomontage, Maître Fouquet fait appel à la fameuse théorie de la cohérence, thèses à l'appui, arguant avec fougue de l'absence de cohérence de la princesse dans sa ligne de conduite, qui concéderait parallèlement l'usage de son image.
Puis s'est déroulé un délibéré exceptionnel, dirigé par le tribunal et mené par un « jury » de plus 400 personnes, où plus d'un ont eu leur mot à dire. Les histoires de princesses sont peut-être faites pour être narrées mais il n'est pas question d'en tirer profit à tout prix. La société Prisma, bien qu'aucune interdiction de publication du magazine Voici soit retenue, se voit tout de même condamnée à une amende de 50 000 €, à publier, en couverture et sur son site internet, la décision et enfin au versement de 10 000 € au titre des dommages et intérêts à la plaignante. Quant aux paparazzis, ils sont relaxés par manque de preuve, à ce stade de la procédure, le doute bénéficiant aux prévenus. (La partie civile et le ministère public étaient un peu déçus, les prévenus, plutôt contents). A l'issue de la décision, monsieur Gautier a demandé à l'avocat de Charlotte Casiraghi de se lever et se faire connaître (maître Alain Toucas), lequel a été applaudi pour son signe d'amitié et de confiance, celui de sa prestigieuse cliente également, envers l'Université.