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Que s'est-il passé ce jour-là ?
Alors que le régime de Vichy entre dans la collaboration, après l'entrevue Pétain-Hitler de Montoire, et que toute manifestation patriotique est interdite par l'autorité militaire d'occupation, nombre de lycéens et d'étudiants de Paris vont, cependant, prendre l'initiative d'une manifestation à l'Etoile, à l'occasion de l'anniversaire de l'Armistice du 11 novembre. Un rassemblement spontané va donc s'organiser, dans une certaine confusion, en réponse a un tract imprimé par les corpos de lettres et de droit, notamment. Il est ainsi rédigé : "Etudiant de France, malgré l'ordre des autorités opprimantes, tu iras honorer le Soldat inconnu". Le bouche-à-oreille fait le reste.
Pendant que deux lycéens de Janson-de-Sailly, Igor de Schotten et Claude Dubost, déposent une immense croix de Lorraine bleue, offerte par un fleuriste lorrain, M. Landrat, sur la tombe du Soldat inconnu, des jeunes affluent de tous les quartiers de Paris et la manifestation monte vers l'Arc de triomphe et marque son adhésion à la France libre et à son chef, le général de Gaulle. A 17 h 30, ce lundi 11 novembre 1940, environ 3 000 lycéens et étudiants se sont regroupés autour de la tombe du Soldat inconnu et entonnent la Marseillaise. Un détachement de la Wehrmacht finit par donner l'assaut : quinze manifestants sont blessés dont quatre grièvement, par balles et jets de grenades. Cent vingt-trois d'entre eux sont capturés par les Allemands et soumis à des simulacres d'exécution et à des passages à tabac, emprisonnés et torturés pendant un mois, à la Santé et au Cherche-Midi alors que leurs parents, sans nouvelles d'eux, les croient morts ou en déportation. Plus d'un millier de ces lycéens et étudiants sont, en outre, interpellés et interrogés par la police parisienne... pour avoir chanter l'hymne national, au risque de leur vie.
Voici quel aura été le premier témoignage de la Résistance française, événement encore méconnu et toujours négligé (la plaque invisible car mal placée à la sortie du RER, sur le mur d'une ambassade, le dit assez), tel que rapporté dans le remarquable ouvrage de Maxime TANDONNET, 1940 - L'autre 11 novembre, Taillandier, 2010 que les étudiants de l'Université Paris 2 Panthéon-Assas, eux en particulier, peuvent parcourir avec émotion et lire avec fierté.
Le vendredi 27 mars était la journée nationale du réserviste 2015. A cette occasion, vous avez invité des étudiants à assister au dépôt d'une gerbe sur la tombe du Soldat inconnu et au ravivage, au nom de l'Université. Quel sens donnez-vous à cette cérémonie ?
J'ai invité une cinquantaine d'étudiants à se rendre à l'Arc de triomphe, le 27 mars, en panachant les publics auxquels je m'adresse tous les jours ou presque : les élus des conseils centraux, les étudiants du M2 Sécurité et défense et les candidats de la Préparation au concours de commissaire des armées de l'IPAG de Paris. Beaucoup d'entre eux sont réservistes même si le port de l'uniforme leur a été interdit ou déconseillé par l'autorité militaire. Ils sont venus nombreux et ils sont repartis émus par le geste si simple qu'ils avaient accompli : leur seule présence active, en ce lieu solennel et en ce jour mémorable.
Le sens de cette cérémonie, pour moi, est, d'abord, celui de la réparation de l'oubli dans lequel l'Université de Paris a plongé l'une des pages les plus glorieuses de sa longue histoire cette année. En cette période de commémorations si fréquentes, qui se souvient ou même se préoccupe du 11 novembre 1940 ?
Mais, cette cérémonie, c'est aussi un moment d'éducation Parmi les étudiants que nous avons en charge, certains - les plus nombreux possible - exerceront les responsabilités sociales auxquelles nous faisons profession de les préparer. Cela suppose aussi de les inscrire dans le récit national, en leur donnant quelques-uns des repères dont ils ont besoin pour avancer avec succès dans leur vie d'adulte. Qui sait, après tout, si ce Soldat inconnu n'était pas un étudiant de l'Université de Paris qui a défendu sa ville et les siens, il y a un siècle, dans la boue des Eparges ? Le courage, la détermination, l'honneur, ne serait-ce pas des valeurs pour nos étudiants aussi, en ces temps surtout ?
Vous êtes le référent défense de l'université, pouvez-vous nous dire quel est votre rôle ?
Les référents défense, mais aussi sécurité nationale des universités et des grandes écoles ont été institués par le protocole Défense-Éducation du 31 janvier 2007. Ils sont nommés par le président de l'université ou le directeur de l'école. Les missions du référent défense et sécurité nationale sont notamment d'informer sur les filières et études de défense existant dans l'établissement, de favoriser la sensibilisation à l'intelligence économique dans l'Université, de faire connaître aux étudiants les possibilités d'engagement au profit de la défense : réserve militaire, sessions jeunes de l'IHEDN, de faire connaître aux étudiants les débouchés professionnels ouverts dans le secteur de la défense, d'organiser événements et conférences destinées à faire connaître aux étudiants les problématiques de défense et de sécurité, etc.
Tout ceci, je le fais depuis que le Président Louis Vogel m'a confié cette responsabilité de référent défense, en 2009, et le Président Leyte m'a confirmé dans cette fonction. Empêché par un déplacement à l'étranger, il m'a fait l'honneur de me demander de le représenter à la cérémonie du 27 mars dernier, à l'Arc de triomphe. Il favorise ainsi les initiatives prises en ce sens, avec quelques-uns de mes collègues, parfois, au sein d'une Université attentive à ces questions de sécurité et de défense dont on mesure bien, chaque jour, l'importance qu'elles ont dans un monde pas tout à fait en guerre, mais tout à fait en paix.