- Université
- Formations
- Recherche
- International
- Campus
Quentin GILLIOTTE, professeur junior à l'Université Paris-Panthéon-Assas nous présente la Chaire MédiaM dont il est titulaire. Cette chaire est une des trois chaires de professeur junior (CPJ) de l'université.
La Chaire de professeur junior (CPJ) constitue une nouvelle voie de recrutement permettant d’accéder à un emploi de titulaire dans le corps des professeurs d'universités et assimilés ou de directeurs de recherche. Le recrutement s’effectue sur un projet de recherche et d’enseignement porté par un titulaire de doctorat ou de diplôme équivalent.
Je suis depuis septembre 2022 professeur junior à l’Université Paris-Panthéon-Assas, en tant que titulaire de la chaire Médias et Méthodes numériques (MédiaM) au sein du Carism (Centre d’analyse et de recherche interdisciplinaire sur les médias). J’ai démarré ma carrière universitaire en faisant une thèse à Telecom Paris sous la direction de Dominique PASQUIER et également à Orange Lab dans le cadre d’un contrat Cifre. La thèse portait sur l’expérience de biens culturels domestiques (musique, films, séries, livres, jeux vidéo) en régime numérique, et elle a fait l’objet l’année dernière d’une publication aux Presses des Mines. Elle reposait notamment sur une enquête quantitative par questionnaire auprès de 2000 répondants représentatifs de la population française et d’une enquête qualitative auprès de plus d’une soixantaine d’individus. J’ai enseigné pendant 7 ans à l’Université Paris Descartes (devenu depuis Université Paris-Cité), d’abord comme vacataire, puis comme ATER, et enfin comme contractuel, avant d’être recruté à l’Université Panthéon-Assas. J’ai tout particulièrement enseigné dans des formations préparant aux métiers des études qualitatives et quantitatives.
L’ensemble de mon parcours, dès premières années d’études universitaires, s’articule autour du numérique et de ses effets sur les usages. Après ma thèse qui portait sur la consommation des biens culturels, tous mes différents projets de recherche par la suite se sont plutôt focalisés sur la production de contenus sur les plateformes, notamment YouTube, en s’intéressant à la fois aux modalités de l’activité professionnelle, aux trajectoires de ces travailleurs des plateformes, à la production des contenus eux-mêmes et à la façon de créer du lien avec les audiences. Cet intérêt se déploie sur différents terrains, aux thématiques très différentes, allant de la circulation des savoirs en ligne par les vidéos (notamment de vulgarisation scientifique, médiatique, politique, etc.), jusqu’au renouvellement des pratiques ésotériques en ligne (notamment les activités de cartomancie menées sur les plateformes). Tous ces projets font l’objet d’un terrain articulant des méthodes qualitatives (entretiens, observation, analyse de contenu), quantitatives et mixtes.
L’objectif de la Chaire Médias et Méthodes Numériques est de comprendre la transformation des systèmes d’information en régime numérique en prenant en compte les différents dispositifs sociotechniques dans le cadre desquels ils se déploient : l’essor notamment des plateformes par exemple a des conséquences sur les façons de produire des informations, à la fois par les facilités d’accès à des outils de productions et de diffusion, mais également parce que le fonctionnement socio-économique de ces espaces tranche avec celui des industries culturelles et médiatiques traditionnelles. Les contenus médiatiques sont inséparables des dispositifs qui permettent leur circulation, que ce soit dans les médias traditionnels ou dans les médias numériques. La Chaire propose de s’intéresser à la construction des formats médiatiques par l’usage de méthodes numériques. J’entends ici « méthodes numériques » l’ensemble des façons d’équiper la recherche par des outils qui facilitent le traitement des données, ce qui peut recouvrir autant des méthodes numériques qualitatives et quantitatives, allant de l’analyse de réseaux, au traitement automatique de langage naturel, au traitement de base de données, etc.
La Chaire va tout particulièrement partir d’un projet initial s’intéressant à la façon dont les médias analysent les médias : on assiste à un réel développement des émissions, des formats, tant dans les médias traditionnels que sur les plateformes numériques, qui proposent de « décrypter », « d’analyser » l’actualité médiatique et la façon dont les médias eux-mêmes traitent cette actualité (Quotidien, On ne touche pas à mon poste, C dans l’Air, par exemple pour la télévision classique, HugoDécrypte, Gaspard G, Osons Causer par exemple sur les plateformes). Plusieurs enjeux seront traités, mais on peut notamment en citer trois. Il s’agit d’abord de comprendre comment ces contenus sont produits, dans quelles conditions socio-économiques, et quels sont les différents formats ainsi proposés, notamment parce que les médias numériques renouvellent partiellement les codes, tout en empruntant énormément à la télévision, et vice versa. Deuxièmement, les médias numériques et médias traditionnels sont structurés en chambre d’écho, s’alimentant mutuellement : il s’agira également de comprendre cette articulation et la façon dont les représentations circulent entre les médias, en particulier au sein des espaces conversationnels qui se structurent autour des contenus (notamment sur Twitter, YouTube, etc.). Enfin, une dernière perspective vient interroger sur un plan plus sociologique les trajectoires professionnelles des créateurs de contenus, notamment en creux des parcours journalistiques classiques, qui est un sujet cher au Carism.
Pour y répondre, le projet est en train de se structurer autour de trois enjeux en particulier. D’abord l’interdisciplinarité, le sujet se prêtant bien évidemment au croisement des analyses à la fois en sociologie des médias, du journalisme, mais également aux travaux des sciences de l’information et de la communication, de la sémiologie et de la socioéconomie. Sur un plan méthodologique, plusieurs discussions lancées avec différents partenaires laissent entrevoir le concours de l’informatique, en particulier autour de l’automatisation des analyses de vidéos et des analyses textuelles. C’est également un projet interinstitution, d’abord au sein même d’Assas, puisque, outre les coopérations à venir au sein du Carism, nous sommes en lien avec l’EFREI pour construire plusieurs pistes en parallèle autour du traitement des données. Nous sommes également en lien avec l’INA, tout particulièrement l’INA Lab qui a été inauguré récemment, à la fois pour le dépôt légal du web, mais également pour le traitement des contenus de médias traditionnels bien sûr. L’idée étant de continuer à faire grandir le projet pour qu’il puisse se développer aussi en dehors des institutions de l’Université Panthéon-Assas. Le dernier enjeu, c’est celui de la coopération internationale. Il s’agira à moyen terme, après un premier défrichage à l’échelle nationale, de monter des perspectives similaires pour d’autres espaces nationaux, de façon à construire une logique comparative et identifier à la fois les transformations similaires, et celles qui s’avèrent être plus spécifiques au contexte politique, médiatique et économique de chaque pays.