Le pouvoir administratif des personnes privées : entretien avec Marie Cirotteau

Les Éditions Panthéon-Assas publient ce 4 novembre la thèse de Marie CIROTTEAU, intitulée Le pouvoir administratif des personnes privées et dirigée par Thomas PERROUD, professeur en droit public à l’Université Paris-Panthéon-Assas.

Soutenue en 2022, la thèse de Marie CIROTTEAU a reçu le prix de thèse de l’Université Paris-Panthéon-Assas et a obtenu la mention du prix Marie-Dominique Hagelsteen.

Au moment de préparer votre thèse de doctorat, qu’est-ce qui a motivé votre volonté de traiter du pouvoir administratif ?

Au début de mon doctorat, je souhaitais étudier les relations entre le secteur public et le secteur privé. J’avais écrit, dans mon mémoire, sur les contours du principe d’interdiction de déléguer des activités et des pouvoirs de police aux personnes privées. Dans le prolongement de cette réflexion, je me suis d’abord intéressée aux activités qualifiées de « missions indélégables par nature » avant d’étudier dans le détail les hypothèses dans lesquelles elles sont finalement indirectement déléguées. La place des personnes privées dans l’histoire de l’administration française et de l’intérêt général est ancienne mais a été présentée comme incompatible avec l’affirmation de l’État. Ma thèse visait à revenir sur les origines et les raisons de cette idée selon laquelle les personnes privées entreraient en concurrence avec la normativité de l’État, conformément à une approche stato-centrée de la norme.

Afin d’identifier ce pouvoir administratif, quelle démarche avez-vous adoptée et comment avez-vous mené vos recherches ?

La notion de pouvoir administratif des personnes privées, défendue dans la thèse, a procédé d’une étude du droit positif et des situations insatisfaisantes dans lesquelles des organismes de droit privé, dotés d’une autonomie de fonctionnement vis-à-vis de l’administration, entreprennent des activités administratives en intervenant normativement dans différents secteurs d’activités. Ces difficultés ont pu être révélées dans des affaires contentieuses, dans des analyses doctrinales hypothétiques ou encore dans des rapports. Le pouvoir administratif est donc une notion construite de manière inductive par la sélection d’exemples hybrides peu adaptés aux catégories du droit positif. Ces exemples m’ont entraînée vers des lectures historiques qui m’ont convaincue de remettre en cause l’approche organique du droit administratif qui en fait classiquement le droit de l’administration. 

Vous éclairez une notion très discrète, bien qu’importante. Quel avenir entrevoyez-vous concernant la place des personnes privées dans l’administration ?

Deux dynamiques me semblent désormais à l’œuvre. D’une part, les interactions entre l’administration et les personnes privées à pouvoir administratif se multiplient et se complexifient. Malgré l’influence des modèles d’organisation administrative sur ces personnes, uniformisant leur fonctionnement, une part d’originalité demeure, en raison de la technicité de leurs domaines d’intervention respectifs. D’autre part, de nouveaux titulaires de pouvoirs juridiques, comme les très grandes entreprises, capables d’influencer le marché, de sanctionner des acteurs et de régler des conflits privés au sein d’un réseau apparaissent, sans que leurs décisions n’émanent de collèges indépendants ni d’assemblées élues. Ces deux tendances rendent très actuelle la réflexion sur le pouvoir administratif des personnes privées.

Enfin, à quel public recommanderiez-vous la lecture de votre thèse ?

La thèse s’adresse en priorité à un lectorat de juristes, qu’ils soient publicistes ou privatistes, universitaires ou praticiens. Elle est également susceptible d’être lue par des chercheurs extérieurs à la communauté des juristes (sociologues ou historiens) qui travaillent sur des objets similaires dès lors qu’elle évoque certaines recherches menées dans d’autres disciplines, comme l’exigent les travaux de science administrative.

Retrouvez cet ouvrage en librairie dès à présent.