La numérisation des soins de proximité : une approche phylogénétique en sciences de gestion

La gestion publique des soins est traversée par diverses sources de changements, la répartition des moyens et leur accès sur le territoire, l’innovation numérique, le vieillissement de la population. Centrée sur l’innovation numérique, plus particulièrement sur le développement de la téléconsultation, notre thèse suit une approche exploratoire afin de dresser un état des lieux sur ces changements et leurs conséquences à l’échelle d’une population, la population âgée de 65 ans et plus sur un territoire, celui des Quartiers Politique de la Ville de Paris (QPV). Pour ce faire nous avons réalisé une première étude afin de dresser un tableau général du phénomène de la numérisation des services de santé dans ces quartiers tel qu’il est vécu par ces habitants âgés. A partir de ce travail préliminaire, constatant l’essor de la téléconsultation comme clé-de-voûte de la gestion des soins sur le territoire durant les deux premières vagues de Covid-19, nous avons mené une analyse approfondie sur cette innovation. Afin d’appréhender les éventuels changements associés à la téléconsultation, nous avons mobilisé des outils théoriques et méthodologiques complémentaires : les dimensions représentatives de l’examen clinique, issues de l’épistémologie médicale, ainsi que les connaissances que les nouvelles technologies apportent en santé, issues des recherches en santé, pour caractériser la nature du soin produit auprès d’une population donnée ;  le recueil de récits et le codage de pratiques professionnelles, utilisés en santé comme en sciences de gestion pour appréhender les situations de changement ; la reconstruction phylogénétique adaptée des sciences évolutives par les cultural studies afin de saisir les ressemblances et dissemblances entre consultations classiques et à distance. Notre thèse présente quatre résultats principaux pour le management public : le numérique comme étant un déterminant potentiel de la gestion publique de la santé, une meilleure connaissance des évolutions associées à la numérisation des soins, l’importance de la dimension « paysage » pour expliquer l’évolution de l’organisation territoriale de santé, ainsi que la perception du travail des soignants par les personnes âgées. Au vu de la mobilisation interdisciplinaire de la thèse, ses apports en sciences de gestion sont théoriques et méthodologiques ; ils sont également pratiques, pour la GRH publique et pour la gestion des politiques publiques gérontologiques.