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L’institut de criminologie et de droit pénal de Paris (ICP) est le plus ancien institut de droit pénal de France, ayant été créé par un décret du 26 juillet 1922 du président de la République, M. Alexandre MILLERAND. Le centenaire de cette création a été commémoré par un colloque organisé le 29 et le 30 septembre 2002 par l’équipe actuelle de l’ICP dans la Salle des Conseils du centre Panthéon. Ce colloque avait pour titre : « Justice pénale et criminalités du XXIe siècle ». Il a donné lieu à six tables rondes qui ont fait intervenir des universitaires, magistrats, avocats, policiers et gendarmes et autres professionnels que leur activité met au contact de la criminalité.
Ce colloque a eu l’honneur rare d’être placé sous le haut patronage du président de la République, M. Emmanuel MACRON. Cet honneur est une reconnaissance de l’excellence de l’activité de l’ICP depuis sa création. Il fait le lien avec le décret présidentiel du 26 juillet 1922 en couvrant les 100 ans de fonctionnement de l’ICP du sceau de M. le président de la République.
Après un mot d’accueil par M. Stéphane BRACONNIER, président de l’Université Paris Panthéon-Assas, le colloque a été ouvert par M. Christophe SOULARD, premier président de la Cour de cassation, M. Jérôme GAVAUDAN, président du Conseil National des barreaux, Me Julie COUTURIER, bâtonnière du barreau de Paris, Me Vincent NIORÉ, vice-bâtonnier du barreau de Paris et Me François MOLINIÉ, président de l’Ordre des avocats aux conseils. Ces personnalités ont toutes rappelé les liens entre l’ICP et leur profession conformément à la vocation de l’ICP de dispenser des enseignements pratiques et scientifiques qui préparent les étudiants en droit aux professions judiciaires et policières auxquelles ils se destinent. M. le président GAVAUDAN et Mme la bâtonnière Julie COUTURIER ont ainsi mentionné que de nombreux avocats à Paris et dans d’autres barreaux ont suivi les formations dispensées par l’ICP conjointement à leurs études à l’université ou à l’école du barreau.
© Laurent Bécot-Ruiz
À l’issue de ces allocutions d’ouverture, le colloque a commencé par une table ronde préliminaire destinée à évoquer l’origine, le commencement et certains moments de l’histoire de l’ICP. Cette évocation a débuté par un entretien de M. Didier REBUT, directeur de l’ICP, avec M. le président Robert BADINTER, professeur émérite de l’Université Panthéon-Sorbonne et ancien président du Conseil constitutionnel (1986-1995). M. Robert BADINTER a rendu hommage au professeur Jacques LÉAUTÉ, directeur de l’ICP de 1972 à 1985, pour son engagement à ses côtés pour l’abolition de la peine de mort. Il a rappelé qu’il avait demandé au professeur Jacques LÉAUTÉ de témoigner au procès contre Patrick HENRY en 1977 pour démontrer aux jurés que la peine de mort n’avait aucun effet dissuasif. Il a précisé que le professeur Jacques LÉAUTÉ avait fait partie des collègues « peu nombreux » qui combattaient pour l’abolition de la peine de mort le qualifiant de « militant de l’abolition ». La table ronde a continué avec l’évocation du professeur Émile GARÇON, fondateur de l’ICP, par Mme Marthe BOUCHET, professeure à l’Université Sorbonne Paris-Nord et membre associée de l’ICP. Mme Marthe BOUCHET a rappelé les raisons qui ont conduit M. Émile GARÇON à travailler au projet d’un institut de criminologie, lesquelles résidaient dans son souci de permettre aux étudiants d’avoir accès à des enseignements pratiques et spécialisés dispensés par des professionnels.
© Laurent Bécot-Ruiz
M. Didier REBUT, directeur de l’ICP, est ensuite revenu sur la création de l’ICP en racontant que le professeur Émile GARÇON n’avait pas eu connaissance de la consécration de son projet, puisqu’il est décédé le 12 juillet 1922 et que l’ICP était, de ce fait, demeuré sans direction jusqu’en janvier 1923 quand les professeurs Henri DONNEDIEU de VABRES et Louis HUGUENEY en furent nommés directeur et directeur-adjoint de l’ICP après qu’ils avaient rejoint la faculté de droit de Paris. M. Didier REBUT a exposé le contenu du premier règlement de l’ICP qui prévoyait quatre formations appelées certificats, lesquels étaient sous la tutelle de la faculté de droit pour deux d’entre eux et de la faculté de médecine pour les deux autres. Il a également rappelé la considérable activité scientifique des professeurs Henri DONNEDIEU de VABRES et Louis HUGUENEY, lesquels ont créé la Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé en 1936 et joué un rôle moteur dans la création de l’Association internationale de droit pénal en 1924. La table ronde s’est terminée avec l’évocation des professeurs Gaston STÉFANI, directeur de l’ICP de 1952 à 1972, et Jean-Claude SOYER, directeur de l’ICP de 1985 à 1995, par M. le professeur Bernard BOULOC et M. Frédéric DEBOVE, maître de conférences à l’Université Paris Panthéon-Assas et membre de l’ICP.
© Laurent Bécot-Ruiz
La première table ronde, qui a clos la matinée du jeudi 29 septembre 2022, a porté sur la justice pénale et la présomption d’innocence au défi des médias et des réseaux sociaux. Sa modératrice a été Mme Pauline LE MONNIER de GOUVILLE, maîtresse de conférences à l’Université Paris Panthéon-Assas et membre de l’ICP. Elle a réuni Mme la ministre Élisabeth GUIGOU, Me Valence BORGIA, co-fondatrice de la Fondation des femmes, M. le vice-bâtonnier Basile ADER et M. Flavien FOUQUET, délégué ministériel à la protection des données au secrétariat général du ministère de la Justice et ancien secrétaire général du Parquet de Bobigny. La table ronde a examiné notamment les atteintes à la présomption causées par les réseaux sociaux à partir des conclusions du Groupe de travail sur la présomption d’innocence rendu sous la présidence de la Mme la ministre Élisabeth GUIGOU. Les échanges ont exposé la difficile conciliation entre le respect de la protection d’innocence et la libération de la parole dans les médias et réseaux sociaux avec l’apparition des hashtags #metoo et #balancetonporc. Me Valence BORGIA a, en qualité de co-fondatrice de la Fondation des femmes, fortement défendu cette libération pour contester qu’elle porte atteinte à la présomption d’innocence et la prescription.
L’après-midi du 30 septembre 2022 a donné lieu à deux tables rondes ayant pour finalité d’exposer les adaptations et les évolutions de la justice pénale face aux violences faites aux femmes et à la criminalité et à la délinquance financières. La table ronde sur les violences faites aux femmes a examiné les enjeux pour la justice pénale d’une meilleure réponse à ces violences. Modérée par Mme Carole HARDOUIN-LE GOFF, directrice des études de l’ICP, la table ronde a notamment examiné l’efficacité répressive et préventive du Grenelle des violences conjugales organisé par le Gouvernement en 2019 et qui avait été coordonné par Mme Isabelle ROME, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, laquelle a participé à la table ronde et aussi précisé ses propositions actuelles d’amélioration de la justice pénale dans ce domaine. Les autres intervenants à la table ronde étaient Mme Isabelle PRÉVOST-DESPREZ, première vice-présidente du Tribunal judiciaire de Paris, Me Karine BOURDIÉ, co-présidente de l’Association des avocats pénalistes (ADAP), M. Laurent FANTON, chef du service de médecine légale des hospices civils de Lyon.
La deuxième table ronde a exposé les nouvelles formes de justice pénale applicables à la criminalité et à la délinquance financières. Elle a été animée par M. Édouard VERNY, directeur-adjoint de l’ICP. Ses intervenants représentaient les institutions et professions judiciaires au contact de cette criminalité et délinquance. Mme Emmanuelle FRAYSSE, vice-procureure financier, a précisé l’activité et la politique du Parquet national financier (PNF) à ce sujet de même que M. le procureur européen Frédéric BAAB pour le parquet européen. Mes Astrid MIGNON-COLOMBET et Julien BROCHOT ont fait part des préoccupations du barreau et du conseil de l’ordre concernant le respect des droits de la défense dans ces nouvelles procédures notamment celle dite de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). M. Thomas de RICOLFIS, chef de la sous-direction chargée de la lutte contre la criminalité financière à la direction de la Police judiciaire, a présenté l’action policière dans ce domaine alors que M. Philippe SUMEIRE, directeur général du groupe SEB et administrateur du Cercle Montesquieu, a fait part de la position des entreprises face à ces nouvelles procédures.
La journée s’est achevée avec l’intervention de M. Jean-Christophe SAINT-PAU, doyen de la faculté de droit de Bordeaux et président de l’Association française de droit pénal, qui a rappelé le modèle qu’a été l’ICP pour les autres instituts de droit pénal et sciences criminelles de France, lesquels ont été créés à sa suite et en reprenant le schéma.
Le colloque a repris le vendredi 30 septembre avec une table ronde sur la justice pénale confrontée aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre. Les débats ont réuni les personnes mettant en œuvre cette justice pénale en France. La modération en a été assurée par M. Julian FERNANDEZ, professeur à l’Université Paris Panthéon-Assas détaché à l’Université de Galatasaray. Ces débats ont commencé par la présentation de l’activité du pôle chargé de la lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre par M. le procureur antiterroriste Jean-François RICARD, chef de ce pôle. Il a notamment fait état des procédures ouvertes sur des faits commis en Ukraine et souligné leur nouveauté qui est de porter sur des faits dont la commission est actuelle ou très récente. M. le Général REILAND a ensuite exposé l’action de l’office central chargé des crimes contre l’humanité. Me Clémence BECTARTE, coordinatrice du groupe d’action judiciaire de la Fédération internationale des droits de l’homme, a présenté la position des ONG concernant la poursuite en France des crimes de droit international et réclamé la suppression, dans ce domaine, des « verrous » prévus par la loi notamment la condition résidence habituelle et la requête du ministère public. Me Élise Le GALL, avocate au barreau de Paris et à la CPI, a fait état de la portée de l’arrêt Lafarge du 7 septembre 2021 qui a ouvert la voie aux poursuites contre les entreprises pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité quand elles paient des groupes commettant ces faits.
La matinée a continué avec une table ronde sur la justice pénale sous la pression de la criminalité organisée destinée à faire état des dispositions légales particulières dans ce domaine et à déterminer leurs insuffisances aux fins de modification. Animée par Mme Charlotte DUBOIS, professeure à l’Université de Bourgogne et membre associée de l’ICP, la table ronde a rassemblé un panel complet des professionnels au contact de cette criminalité. Les intervenants ont été M. Valéry MULLER, ancien juge d’instruction à la JIRS de Marseille, M. Philippe CHADRYS, directeur central adjoint de la police judiciaire, M. Nicolas BESSONE, directeur de l’Agence de gestion et recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), Me Clarisse SERRE, avocate au barreau de Bobigny, Mme Diana VILLEGAS, maîtresse de conférences à l’Université Paris Panthéon-Assas et membre de l’ICP ayant rédigé sa thèse sur la criminalité organisée, et M. Jérôme PIERRAT, journaliste indépendant auteur d’ouvrages et de reportages sur la criminalité organisée.
La dernière table ronde a eu lieu le vendredi 30 septembre après-midi. Elle avait pour thème la justice pénale et les cold cases. Sa modératrice était Mme Agathe LEPAGE, professeure à l’Université Paris Panthéon-Assas et membre de l’ICP. Elle a commencé par un exposé sur la notion de cold cases par M. Jacques DALLEST, ancien procureur général de Grenoble et président du groupe de travail sur le traitement judiciaire des cold cases, des crimes sériels et autres crimes complexes (2021) qui est à l’origine de la création du pôle spécialisé mis en place au Tribunal judiciaire de Nanterre. Il a expliqué les raisons de cette création et les autres propositions retenues par le législateur. Mme Sabine KHÉRIS, vice-présidente du Tribunal judiciaire de Nanterre en charge du pôle, a présenté celui-ci de même que Mme la lieutenant-colonelle Marie-Laure BRUNEL-DUPIN a présenté la cellule DIANE de la gendarmerie nationale qui est compétente sur ces crimes. Me Corinne HERRMANN, spécialiste des cold cases, a raconté la souffrance des proches des victimes et son action comme avocate pour faire agir les autorités policières et judiciaires en matière de cold cases.
Cette deuxième journée s’est terminée avec une intervention de M. John A. VERVAELE, professeur à l’Université d’Utrecht et président de l’Association internationale de droit pénal (AIDP). Il a rappelé les liens entre l’AIDP et l’ICP puisque c’est à l’ICP que l’AIDP a été créée en 1924. Il a raconté le rôle déterminant joué par le Professeur Henri DONNEDIEU de VABRES dans cette création. Il a informé l’assistance que le conseil de l’ADIP a voté pour que le congrès du centenaire ait lieu à Paris et soit organisé par l’ICP avec l’assistance de l’AFDP.
Le colloque a été clôturé par M. Didier REBUT, directeur de l’ICP, qui a confirmé l’organisation en 2024 du congrès du centenaire de l’AIDP à Paris par l’ICP et l’Université Paris Panthéon-Assas avec l’AFDP. M. Didier REBUT a tiré le bilan de la commémoration du centenaire de l’ICP qui a permis de retrouver son passé et de montrer la force de ses fondements malgré de nécessaires évolutions et d’inévitables soubresauts.
Le colloque a fait l’objet d’une retranscription en temps réel par les doctorants de l’ICP. Cette retranscription donnera lieu à une publication dans le cadre d’un ouvrage du centenaire de l’ICP qui débordera les seuls actes du colloque. Cet ouvrage anniversaire reproduira les documents d’origine de l’ICP et reviendra plus longuement sur les universitaires l’ayant fondé et dirigé au moment de sa création et aux plus belles heures qu’il a connues. Sa parution est prévue pour l’année 2023.